Wednesday, November 24, 2021

Point de presse avec Monsieur l’ambassadeur Jeffrey Feltman, envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique, sur la situation actuelle en Éthiopie

Department of State United States of America

Traduction fournie par le département d'État des États-Unis à titre gracieux



Département d'État des États-Unis
Le 23 novembre 2021
Point de presse spécial via téléconférence

M.PRICE :Bonjour à tous et merci beaucoup de vous joindre à nous, surtout aujourd'hui, pour ce sujet très important. Nous voulions vous offrir une autre occasion d'entendre une mise à jour, dans ce cas, de notre envoyé spécial pour la Corne de l'Afrique Jeff Feltman, sur la situation en Éthiopie. Après des propos liminaires, l'envoyé spécial se fera un plaisir de répondre à vos questions.

Il s'agit d'un appel officiel. Sa teneur est sous embargo jusqu'à sa conclusion. Mais sur ce, je vais céder la parole à l'envoyé spécial Feltman.

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Merci Ned et bonjour à tous. Je suis rentré d'Éthiopie hier et c'était mon deuxième déplacement là-bas en quelques semaines seulement. Et on commence à faire des progrès pour essayer de faire passer les parties d'une confrontation militaire à un processus de négociation, mais ce qui nous préoccupe, c'est que ces progrès fragiles risquent d'être anéantis par des évolutions alarmantes qui nous prennent de vitesse sur le terrain et qui menacent la stabilité et l'unité globales de l'Éthiopie.

Je tiens à être clair : Il existe un fondement sur lequel des pourparlers peuvent s'appuyer pour mener à une désescalade et à un cessez-le-feu négocié. Le Premier ministre éthiopien Abiy m'a encore dit dimanche que sa priorité absolue était d'obtenir le départ des Forces de défense tigréennes et du Front de libération du peuple du Tigré, les FDT et le FPLT, des terres qu'ils occupent dans les États d'Amhara et d'Afar et de parvenir à leur retour dans le Tigré. Nous partageons cet objectif. Les dirigeants des FDT et du FPLT avec lesquels nous avons dialogué nous disent que leur priorité absolue est de briser le siège humanitaire de facto que le gouvernement éthiopien impose au Tigré depuis juillet. C'est également notre objectif. Et les deux parties ont adressé le même message à un certain nombre d'autres diplomates et dirigeants, dont l'ancien président nigérian Obasanjo, qui, comme vous le savez tous, exerce les fonctions de haut représentant de l'Union africaine pour la Corne de l'Afrique.

L'essentiel est que ces deux objectifs ne s'excluent pas mutuellement. À condition d'en avoir la volonté politique, les deux sont possibles. Malheureusement, chaque partie essaie d'atteindre son objectif par la force militaire, et chaque partie semble croire qu'elle est sur le point de gagner. Après plus d'un an de combats et des centaines de milliers de victimes et de personnes déplacées par les combats, il devrait être clair qu'il n'y a pas de solution militaire. Le gouvernement doit lever les entraves à l'aide humanitaire et mettre fin aux actions militaires offensives, et les FDT doivent cesser d'avancer sur Addis. Tous ceux qui en ont besoin, quelle que soit leur origine ethnique ou leur situation géographique, doivent bénéficier de l'accès immédiat à une aide humanitaire vitale, et nous appelons à la cessation immédiate des atteintes aux droits humains et des violations de ceux-ci.

Notre objectif est d'encourager le recours à la diplomatie en tant que première, dernière et seule approche pour faire face aux causes sous-jacentes de ce conflit. Nous ne prenons pas parti ici. Les rumeurs selon lesquelles nous soutenons un côté sont tout simplement fausses. Nous n'avons aucune intention d'engagement, sauf diplomatique dans le cadre des efforts internationaux pour promouvoir un processus politique. Les voisins de l'Éthiopie, l'Union africaine, les Nations unies et la communauté internationale sont tous d'accord : il n'y a pas de temps à perdre pour pivoter vers la diplomatie.

Les Américains-Éthiopiens ont également la responsabilité importante de susciter une atmosphère propice à la désescalade. Depuis des décennies, les Américains-Éthiopiens jouent un rôle déterminant en faveur de réformes susceptibles de garantir que tous les Éthiopiens vivent dans la dignité et que leurs droits humains et libertés fondamentales soient respectés. Il est maintenant temps pour les Américains-Éthiopiens d'assumer un rôle de leader similaire en plaidant pour la fin de l'incitation à la violence et à la guerre.

La poursuite de la guerre risque de provoquer l'éffondrement du deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, le siège de l'Union africaine et le pilier traditionnel de la sécurité et de la stabilité dans la zone stratégique de la Corne de l'Afrique et de la mer Rouge. Nous nous servons de nos outils diplomatiques au service de nos actions collectives pour favoriser la désescalade et un cessez-le-feu négocié. Il est temps que les Éthiopiens focalisent leur action non pas sur le champ de bataille, mais à la table des négociations.

Et pour terminer, je tiens à réitérer que le département d'État exhorte les citoyens américains en Éthiopie à quitter maintenant le pays par les moyens commerciaux disponibles. C'est un message que l'ambassade des États-Unis transmet quotidiennement aux citoyens américains depuis début novembre.

Là-dessus, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

M.PRICE :Formidable. Merci. Opérateur, pouvez-vous s'il vous plaît répéter les instructions pour s'inscrire dans la queue des questions ?

OPÉRATEUR : Encore une fois, mesdames et messieurs, si vous avez une question, composez le 1 et 0 sur le clavier de votre téléphone.

M.PRICE :Nous allons commencer par la ligne de Francesco Fontemaggi de l'AFP.

OPÉRATEUR : Francesco, votre ligne est ouverte.

QUESTION : Merci. Merci à tous les deux. Je me demandais si vous pourriez nous en dire plus sur votre degré de confiance en ce qui concerne les progrès sur le front diplomatique alors même que le FPLT affirme être à seulement 209 kms au nord-est d'Addis et que le Premier ministre a dit qu'il irait lui-même sur le champ de bataille pour lutter contre les rebelles. Le – tout cela ne semble pas vraiment très optimiste. Y a-t-il donc un décalage entre vos progrès et ce qui se passe sur le champ de bataille ? Merci.

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Francesco, merci pour cette question. Et j'espère que je n'ai pas fait preuve d'un excès d'optimisme. Je pense avoir dit clairement que ce qui nous inquiète, c'est que même si l'on constate un début de progrès, celui-ci risque fort d'être réduit à néant par une escalade militaire plus rapide des deux côtés.

Mais j'ai fait une série de visites à Addis et ailleurs dans la région. Bien entendu, le secrétaire est en contact avec les responsables éthiopiens par téléphone. Le sénateur Coons s'y est rendu en mars dernier. Il y a eu un certain nombre de conversations téléphoniques des États-Unis avec les autorités éthiopiennes, et je perçois une bien plus grande volonté de réfléchir avec nous sur les modalités d'une stratégie de désescalade et de cessez-le-feu négocié. On ne constate plus de simple refus de parler des modalités de mise en œuvre d'un processus de négociation. Il y a plus de réalisme en ce qui concerne le fait qu'après un an de cette horreur, on pourrait envisager d'autres approches pour atteindre les objectifs.

Ce que je trouve intéressant, c'est que quand on parle aux deux parties séparément – et bien sûr, nous leur parlons séparément, bien sûr – lorsque l'on parle aux deux parties, les éléments qu'elles décrivent comme étant essentiels à la désescalade, à un cessez-le-feu négocié, sont les mêmes : la fin de l'incitation à la violence, la cessation des opérations militaires offensives, l'ouverture de couloirs humanitaires à quiconque – où que soient les besoins, le retrait du FPLT et son retour au Tigré, la suppression de la désignation terroriste du FPLT que le parlement éthiopien a mis en place. Ils sont prêts à discuter de ces questions maintenant. Ce n'est pas la même chose que dire qu'ils avancent dans l'élaboration d'une sorte de programme, mais je pense qu'il y a un potentiel pour le président Obasanjo, avec le soutien de la communauté internationale, pour prendre ces éléments dont les deux parties conviennent qu'ils doivent faire partie d'un processus politique et commencer à les organiser de manière séquencielle, de commencer à décider des modalités de la réciprocité entre les parties.

Mais encore une fois, ce qui m'inquiète, c'est que les évolutions militaires sur le terrain prennent de vitesse le processus diplmatique que nous essayons de faire avancer.

M.PRICE :Passons à la ligne de Daphne Psaledakis de Reuters.

OPÉRATEUR : Daphne, votre ligne est ouverte.

QUESTION : Oh pardon. Merci de participer à ce point de presse. Je me demandais si vous pouviez donner des précisions en ce qui concerne les estimations du nombre de personnes qui ont été détenues en Éthiopie, ainsi qu'en première ligne. Avez-vous une idée de l'endroit où se trouve la ligne de front en Afar et en Amhara ?

Et si le FPLT parvient à sécuriser la route de Djibouti, des convois d'aide y circuleront-ils ? Si oui, cela impliquerait-il une zone d'exclusion aérienne ? Merci.

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Merci, Daphné. Nos informations sur les détenus ne sont pas du tout – je veux dire, nous ne savons pas du tout combien de personnes sont détenues. Nous sommes alarmés par le nombre de personnes qui ont été arrêtées, par les informations faisant état de personnes placées en quelque sorte dans des camps où peut sévir la COVID, où elles ont – où elles n'ont pas accès à une procédure régulière. Mais les chiffres, nous ne les connaissons tout simplement pas

Pour ce qui est des lignes de – des lignes de bataille sur le terrain, il nous semble que pour ce qui est des mouvements des FDT/FPLT vers Mile, qui est la route de Djibouti, il nous semble que pour une raison quelconque ils n'ont pas autant avancé, que les Forces de défense nationale éthiopiennes et leurs partenaires – les milices régionales et autres – ont été plus ou moins en mesure de freiner les avancées des FDT vers Mile et de maintenir ouvertes les principales voies d'accès entre Djibouti et Addis, alors que le – il semble que les FDT/FPLT, d'après les informations dont nous disposons, aient pu dépasser certaines des lignes défensives sur la route d'Addis – la ligne défensive qui était Ataye, la ligne défensive à Shewa Robit, en direction de Debre Sina.

Alors les – pendant un moment les lignes étaient statiques, et puis il y a environ une semaine, les FDT/le FPLT ont recommencé à bouger. Et c'est pour nous un motif de grande inquiétude. Cela nous préoccupe pour plusieurs raisons. Cela nous inquiète parce que plus – plus le conflit militaire s'étend, plus les populations sont touchées. Plus les FDF sont en mesure de se rapprocher d'Addis, plus leurs propres exigences et leurs attentes dans le cadre du processus de négociation risquent de s'accroître. Et je tiens à préciser clairement que nous sommes absolument opposés à ce que les FDT menacent Addis en coupant la route vers Djibouti ou en entrant effectivement à Addis.

M.PRICE :Nous allons passer à la ligne de Jennifer Hansler de CNN.

OPÉRATEUR : Jennifer, votre ligne est ouverte.

QUESTION : Bonjour, merci beaucoup. Je voulais juste confirmer que vous avez rencontré le Premier ministre Abiy, et a-t-il donné une indication quelconque lors de votre réunion qu'il lancerait cet appel et qu'il se rendrait sur les lignes de front pour diriger l'effort de guerre à partir de là ? L'avez-vous découragé de le faire ? Et si cette campagne militaire continue de prendre de vitesse les actions diplomatiques, les États-Unis sont-ils prêts à prendre des mesures plus punitives, peut-être dans le cadre du régime de sanctions ou une autre mesure ? Merci.

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Merci, Jennifer. Je veux dire, ce dont le Premier ministre et moi-même avons surtout discuté était des modalités de réalisation de ses objectifs à la table des négociations plutôt que sur un champ de bataille militaire. Il a – il est confiant en sa capacité à repousser les FDT vers le nord, vers le Tigré. J'ai des doutes à ce sujet. Je regarde juste une carte sur – de ce qui s'est passé depuis que les Forces de défense nationale éthiopiennes se sont retirées du Tigré fin juin. Le simple fait de regarder une carte me fait remettre en question sa confiance.

Mais quoi qu'il en soit, même si c'est vrai, ce que j'essayais de lui dire, c'est que le coût pour la stabilité de l'Éthiopie, le coût pour les civils, la dignité des Éthiopiens mise à mal par cette guerre, les coûts sont trop élevés ; que l'on peut aboutir au même résultat par un processus diplomatique sous l'égide de l'Union africaine, des voisins immédiats de l'Éthiopie et de la communauté internationale ; vous pouvez réaliser ce que vous dites que vous essayez de réaliser par des  moyens militaires, c'est-à-dire ramener les FDT/le FPLT dans le Tigré. C'est ce dont nous avons discuté.

Mais encore une fois, j'ai été encouragé par le fait qu'il était disposé à me parler en détail de ce à quoi pourrait ressembler un processus diplomatique. Il ne serait pas mené par les États-Unis. Les États-Unis feraient partie des nombreux acteurs le favorisant, qui soutiennent un processus. Mais simultanément, il a également exprimé sa confiance dans le fait qu'il serait militairement capable d'atteindre ses objectifs, ce qui est – mais non, pour ce qui est de la question de savoir s'il a parlé de la déclaration qu'il a publiée hier, non.

M.PRICE :Nous allons passer à Rosiland Jordan d'Al Jazeera.

OPÉRATEUR : De qui s'agit-il encore une fois ? Rosiland, oui. Votre ligne est ouverte. Allez-y, s'il vous plaît.

QUESTION : (Inaudible) beaucoup pour l'appel. Je voulais revenir sur l'appel d'hier de quelques hauts fonctionnaires du département qui ont encouragé instamment les Américains et les résidents légaux à quitter l'Éthiopie dès que possible. Est-ce un conseil pragmatique compte tenu de la précarité des situations politiques et sécuritaires en Éthiopie, ou cela est-il motivé par une réelle crainte au sein du gouvernement américain selon laquelle le pays est sur le point de sombrer dans la guerre civile et les États-Unis ne seraient pas en mesure d'aider les Américains dans ce cas ?

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Merci pour la question. Je veux dire, cela traduit essentiellement la réalité selon laquelle nous considérons actuellement que voyager en Éthiopie est dangereux en raison du conflit armé en cours et que la situation peut – et j'insiste sur peut – s'aggraver davantage et provoquer des pénuries de la chaîne d'approvisionnement, des pannes de communication, et des perturbations des déplacements.

À l'heure actuelle, l'aéroport d'Addis fonctionne normalement. J'ai pris l'avion – comme je l'ai dit, je suis rentré dans la nuit de dimanche à lundi matin, et il y avait des vols vides sur les – vols vides [dans l'avion d'Ethiopian Airlines dans lequel je me trouvais. Et donc ce que nous disons, c'est que, étant donné qu'il est improbable que l'ambassade des États-Unis soit en mesure d'aider les citoyens américains à quitter l'Éthiopie en l'absence de vols commerciaux, prenez les places disponibles sur les vols commerciaux dès maintenant, car nous ne pouvons pas prévoir les dépassements de capacités potentiels éventuels.

M.PRICE :Nous allons passer à Ali Rogan de PBS NewsHour.

OPÉRATEUR : Ali, votre ligne est ouverte.

QUESTION : Bonjour. Merci beaucoup de participer à cet appel. J'ai une question très précise concernant des informations en provenance du Kenya selon lesquelles un homme d'affaires tigréen a été enlevé. Une campagne sur les réseaux sociaux semble lier son enlèvement au gouvernement Abiy, et je voulais donc savoir si vous avez des commentaires sur cet enlèvement particulier. Et en général, êtes-vous préoccupé par d'autres cas de détention en dehors de l'Éthiopie de personnes tigréennes ou d'origine tigréenne ?

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Je n'en ai pas entendu parler – je n'avais connaissance de ces informations, pour être honnête, nous devrons donc y regarder de plus près. Je veux dire, ce qui nous préoccupe, ce sont les niveaux d'incitation des différents acteurs ou de ceux qui soutiennent les différents acteurs dans ce combat, l'incitation à la violence à l'encontre des Tigréens, l'incitation tigréenne à la violence à l'encontre des autres, la possibilité de violences Amhara-Oromo, les deux les plus grands groupes ethniques.

Et nous avons vraiment appelé toutes les parties à mettre un frein à ces incitations qui exacerbent en quelque sorte les aspects ethniques de ce conflit. Et comme je l'ai dit plus tôt, nous sommes alarmés par la rafle, ce qui semble être une rafle systématique, des Tigréens à Addis et les recherches de Tigréens à Addis, maison par maison. Il est temps de mettre un frein aux incitations à la violence et de se retrousser les manches pour travailler dans le cadre diplomatique au lieu de s'efforcer d'exacerber le conflit par la polarisation ethnique.

M.PRICE :Nous allons passer à Nick Wadhams de Bloomberg.

OPÉRATEUR : Nick, votre ligne est ouverte.

QUESTION : Bonjour, merci beaucoup. Monsieur l'Ambassadeur Feltman, je voulais juste essayer de clarifier quelque chose, car au début vous avez dit essentiellement que vous voyiez des progrès sur la voie de la sortie par les parties d'un processus militaro-politique, mais tout ce que vous avez dit depuis ces propos initiaux semble aller exactement dans l'autre sens. Alors, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les signaux positifs que vous voyez réellement et qui vous font penser que l'une ou l'autre des parties veut passer à un processus politique ? Parce que votre description de la conversation que vous avez avec les dirigeants éthiopiens suggère qu'ils n'ont aucun souhait ou n'ont donné aucune indication selon laquelle ils seraient disposés à le faire.

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Comme je l'ai dit, ce qui est différent, ce que – je suis allé en Éthiopie et j'ai participé à un certain nombre de conversations avec les mêmes personnes. Nous avons rencontré les dirigeants du FPLT à Nairobi et discuté avec eux ailleurs. Et ce qui a changé, c'est la disposition au dialogue.

Maintenant, c'est toujours – je classe cela dans la catégorie prémédiation ou la partie discussion intellectuelle en quelque sorte. Je ne veux pas exagérer. Ce n'est pas le – il n'y a aucun signe qu'il y aurait des pourparlers directs à l'horizon entre les deux parties, et ce n'est pas non plus nécessaire, franchement.

Comme vous le savez, j'ai travaillé à l'ONU pendant six ans, et j'ai appris qu'il y a une toute autre manière – beaucoup de façons différentes de mettre en œuvre des processus politiques. Il n'est pas nécessaire d'aller au Palais des nations à Genève sous les projecteurs internationaux et avec des journalistes et beaucoup de tapage pour pouvoir participer à des processus bilatéraux. J'en veux pour exemple le lancement du processus de paix en Colombie lorsque des représentants des FARC et du gouvernement colombien ont participé à des négociations sans contact direct via des intermédiaires à La Havane avant de passer à des pourparlers directs.

Il existe de nombreuses manières différentes de mener un processus de paix qui soit discret, et c'est de cela que nous parlent maintenant les deux parties, qu'il y a un – il serait politiquement coûteux pour le gouvernement éthiopien en ce moment de s'asseoir avec les dirigeants du FPLT à la table des négociations lorsque des parties d'Amhara et d'Afar, des administrés du gouvernement, sont sous occupation. Ils n'ont pas à le faire.

Et le fait qu'ils nous aient parlé de la façon dont les processus pourraient fonctionner politiquement pour eux m'a semblé encourageant. Ce n'était pas possible il y a quelques semaines. Le fait que les deux parties nous aient parlé des éléments qu'elles s'attendraient à voir sur la table dans le cadre de pourparlers indirects actifs m'a encouragé, c'est le genre de choses que j'ai dites plus tôt. Le fait que – qu'ils aient – que ce que les deux parties ont défini comme leurs objectifs principaux puisse être rendu compatible, j'ai trouvé cela encourageant.

Maintenant, je ne veux pas exagérer. Ce que je veux dire, c'est que nous nous servons de nos voies diplomatiques avec le soutien politique des voisins, de l'Union africaine, de la communauté internationale plus généralement, pour essayer d'encourager cela. Je veux dire, ce que je dirais que l'on voit maintenant, c'est que les deux parties commencent à se demander si elles peuvent vraiment atteindre leurs objectifs uniquement sur le champ de bataille. Quand nous parlons, il y a de la politique des deux côtés. Lorsque nous discutons avec les dirigeants tigréens, certains reconnaissent qu'entrer à Addis pourrait être catastrophique pour eux-mêmes et catastrophique pour le pays, et ils ne veulent pas être responsables de l'effondrement de l'Éthiopie. Mais ils veulent que soit levé le siège imposé au Tigré depuis fin juin.

Alors, y-a-t-il donc des moyens pour eux d'obtenir l'aide humanitaire dont ils ont besoin qui renforcerait les voix les plus modérées à l'intérieur du camp tigréen pour réfuter cette idée qu'ils doivent avancer – essayer d'avancer sur Addis ? C'est le genre de choses que nous essayons d'encourager maintenant. Il y a eu un peu d'aide humanitaire qui, selon nous, a atteint le Tigré aujourd'hui, mais pas assez pour pouvoir renforcer ces voix au sein des dirigeants tigréens selon lesquelles, comme nous le penserions, comme nous le pensons, aller à Addis est tout simplement inacceptable et catastrophique.

Donc, à l'heure actuelle, les deux parties jouent toujours la carte militaire, mais elles sont également gagnées par l'idée qu'il peut y avoir d'autres moyens d'aboutir à leurs objectifs. C'est – et elles dialoguent non seulement avec nous, mais avec d'autres. Et c'est ce que je trouve, encore une fois, relativement encourageant, mais je ne veux pas exagérer.

M.PRICE :Nous avons le temps pour une ou deux dernières questions. Nous allons passer à Simon Ateba de Today News Africa.

OPÉRATEUR : Simon, votre ligne est ouverte.

QUESTION : Oui, merci. Simon Ateba de Today News Africa à Washington ici. Concernant l'appel de l'administration aux citoyens américains à quitter l'Éthiopie maintenant pendant que des vols commerciaux restent disponibles, à votre avis, combien de temps leur reste-t-il ? Doivent-ils partir maintenant, ce mois-ci, cette semaine ? Et en ce qui concerne les citoyens américains détenus en Éthiopie, combien sont-ils actuellement détenus, de citoyens américains ? Merci.

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Nous exhortons et nous avons exhorté les citoyens américains en Éthiopie à partir dès maintenant. Comme je l'ai dit, il existe maintenant des options disponibles de vols commerciaux. Et l'ambassade des États-Unis transmet ce message quotidiennement aux citoyens américains depuis début novembre. Cela découle simplement du constat que la situation sur le terrain est en train de changer, qu'il est peu probable que l'ambassade des États-Unis aide les citoyens américains à quitter l'Éthiopie si les options commerciales ne sont plus indisponibles. Et c'est maintenant le moment pour eux de partir.

Chaque fois que nous avons des informations sur des citoyens américains détenus, l'ambassade demande un accès consulaire à ceux-ci afin que nous puissions offrir les services consulaires qui sont un aspect si important de notre présence diplomatique à l'étranger. Il y a évidemment une très grande communauté éthiopienne américaine en Éthiopie comme, bien sûr, il y a une grande communauté éthiopienne américaine qui a enrichi les États-Unis de ce côté de l'Atlantique.

M.PRICE :Nous allons passer à Pearl Matibe.

OPÉRATEUR : Pearl, votre ligne est ouverte.

QUESTION : Merci beaucoup. Bonjour, Monsieur l'ambassadeur Feltman, et merci pour votre disponibilité. Monsieur l'ambassadeur Feltman, j'ai ici une question en trois parties pour vous. En 1991, Mengistu Haile Mariam a fui l'Éthiopie et a obtenu l'asile au Zimbabwe. Il est désormais un invité officiel du Zimbabwe, comme il l'était sous Mugabe – il l'est sous l'actuel président Emmerson Mnangagwa – et il a blâmé Mikhaïl Gorbatchev, l'Union soviétique, pour sa politique et la fin de son régime. À votre avis, sur qui pensez-vous que le Premier ministre Abiy fasse porter le blâme de cette crise ? Il y a des photos qui circulent où il semble très ami avec le président Uhuru Kenyatta. Voyez-vous à votre avis une indication quelconque selon laquelle Abiy pourrait se préparer en privé à faire une demande l'asile à certains dirigeants du continent ?

Et je voulais aussi juste dire que j'apprécie que vous nous fassiez part de vos efforts diplomatiques, mais peut-être que vous êtes dépassé par les événements sur le terrain. J'aimerais donc approfondir un peu cette question : pourriez-vous être plus précis sur ce que cela vous démontre exactement – à propos de ce qui se passe sur le terrain – ce qui s'est passé plus rapidement, et pourquoi la diplomatie n'est-elle pas plus rapide ? Que faudrait-il pour que l'effort diplomatique aille plus vite ? Qu'est-ce que – quels sont les obstacles ? Aidez mon public à comprendre pourquoi la diplomatie ne progresse pas plus vite ?

Et si vous dites avoir parlé à Abiy mardi, sommes-nous à quelques jours de la réussite de l'effort diplomatique ? Sommes-nous à quelques semaines d'un siège d'Addis ? À quelle distance sommes-nous de l'une ou l'autre voie ? Merci beaucoup, Monsieur l'ambassadeur Feltman, pour toutes vos informations.

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : C'est une liste assez longue de questions, Pearl. Je veux dire, tout d'abord, permettez-moi – vous avez soulevé 1991. Et c'est un message que nous avons transmis aux dirigeants tigréens, au FPLT, aux dirigeants des FDT : qu'ils doivent se rappeler que ce n'est pas 1991. En 1991, comme vous le savez, le FPLT a fait une entrée populaire à Addis avec la chute du régime de Mengistu. Le FPLT se heurterait à une hostilité implacable s'il entrait à Addis aujourd'hui. Ce n'est pas la même chose qu'en 1991, et nous pensons que les dirigeants tigréens le comprennent.

En ce qui concerne le Premier ministre Abiy, je – encore une fois, j'ai parlé avec lui à plusieurs reprises lors de nos réunions au cours des mois depuis que j'ai l'honneur de servir cette administration en cette qualité. Et il est très préoccupé par le fait que les États-Unis et d'autres n'ont pas correctement reconnu ses mérites pour des choses comme le cessez-le-feu humanitaire unilatéral du 28 juin, ou n'ont pas correctement attribué la responsabilité de ce qui s'est passé en novembre avec l'assaut contre le commandement du Nord. Mais il y a un récit plus large que je veux vraiment réfuter, à savoir que d'une manière quelconque, les États-Unis sont nostalgiques du retour du FPLT au gouvernement, d'un retour de ce régime dominé par le FDRE, le FPLT sous Meles Zenawi pendant 27 ans.

Ce n'est pas ce que nous recherchons ici. Nous ne prenons pas parti dans ce conflit. Nous n'essayons pas de faire pencher la balance en faveur du FPLT. Le Premier ministre Abiy est sorti – son parti est sorti vainqueur des élections qui ont eu lieu en juin et des élections supplémentaires en septembre pour d'autres districts. Il a un parlement qui le soutient. Quelles que soient les imperfections des élections, je pense qu'elles – en général, son poste de Premier ministre résulte d'un mandat populaire que nous reconnaissons. Et donc cette idée qu'on prend parti au nom du FPLT est totalement fantaisiste, mais elle perdure.

Vous faites état du président Kenyatta du Kenya. Le président Kenyatta est très préoccupé par la stabilité en Éthiopie. Il partage la même préoccupation que nous s'agissant de la stabilité globale de l'Éthiopie, mais il la partage en tant que voisin. Je pense donc qu'il joue un rôle extrêmement important dans la mesure où il peut parler au Premier ministre Abiy, en quelque sorte d'égal à égal, sur le besoin de stabilité dans la Corne de l'Afrique, et la stabilité dans la Corne de l'Afrique n'est pas possible en cas de déstabilisation en Éthiopie.

Le principal obstacle à une transition décisive vers une voie de négociation diplomatique n'est pas les États-Unis ; ce n'est pas l'Union africaine ; ce n'est pas la communauté internationale. C'est la volonté politique des parties elles-mêmes. On pourrait penser qu'à ce stade, étant donné les souffrances, la perte de dignité de trop d'Éthiopiens et du nord de l'Éthiopie, les deux parties reconnaîtraient que le coût de la dimension militaire de ce conflit est beaucoup trop élevé pour l'Éthiopie. Et c'est ce que nous essayons de démontrer. Mais en fin de compte, ils vont devoir trouver la volonté politique.

Et comme je l'ai dit, j'ai été encouragé par le fait qu'ils sont au moins disposés maintenant à nous parler, à parler au président Obasanjo, à parler aux autres des éléments qu'ils considéreraient comme essentiels pour parvenir à une désescalade et à un cessez-le-feu négocié. Le – Je pense que la tragédie, ce qui est triste, c'est que les deux parties pensent au même type d'éléments. Elles peuvent avoir des points de vue différents sur l'ordre correspondant – qui commence, jusqu'où le FPLT se retire avant que quelque chose ne se produise du côté du gouvernement, et cetera, et cetera – mais les éléments, ils sont d'accord. Les objectifs principaux, comme je l'ai dit plus tôt, de chaque côté ne sont pas mutuellement inconciliables. Il leur suffit donc de rassembler la volonté politique pour passer de l'action militaire aux négociations. Et nous ne sommes pas les seuls à les encourager à le faire, mais nous ne pouvons pas les contraindre à s'asseoir à la table des négociations.

M.PRICE :Nous allons prendre une dernière question de Conor Finnegan d'ABC.

OPÉRATEUR : Et Conor, votre ligne est ouverte.

QUESTION : Bonjour. Merci, Monsieur l'ambassadeur. Je voulais juste rebondir sur le blocus du Tigré. Vous avez parlé du peu d'aide qui a pu entrer dans la région. Considérez-vous cela comme une sorte de premier geste ici ? En attendez-vous plus dans les prochains jours ? Et vous avez dit que le Premier ministre semblait ouvert à d'autres moyens d'atteindre ses objectifs, mais avez-vous eu le sentiment qu'il serait prêt à mettre fin au blocus, qu'il comprend la situation sur le terrain là-bas, au lieu de continuer à nier la réalité ?

MONSIEUR L'AMBASSADEUR FELTMAN : Le – je veux dire, je devrais dire que l'aide dont nous croyons comprendre qu'elle est parvenue à Mekelle et au Tigré aujourd'hui était assez modeste, donc je ne veux pas – nous espérons que c'est le début d'une aide soutenue et élargie, parce que la quantité d'aide qui a atteint le Tigré depuis le début du mois de juillet représente environ 12 % des besoins auxquels elle aurait dû répondre au Tigré. Mais je voudrais aussi noter qu'il y a aussi des besoins en Afar et en Amhara, dans les zones que les FDT occupent maintenant, où il y a des civils sous occupation des FDT en dehors du Tigré.

Notre objectif est donc de pouvoir fournir une assistance là où cela est nécessaire à travers les lignes de front militaires. Et c'est la conversation que nous avons eue avec les dirigeants des FDT/du FPLT et avec le gouvernement éthiopien, c'est que nous devons trouver des mécanismes, des canaux, des couloirs pour atteindre le – pour que l'aide atteigne ceux qui en ont besoin, où qu'ils se trouvent en Éthiopie. Et je pense qu'il y a – encore une fois, il y a une plus grande compréhension. Je veux dire, ce ne sont plus seulement les Tigréens qui souffrent de privations dans le cadre de ce conflit – comme je l'ai dit, c'est le cas maintenant de populations à Amhara et Afar, il y a donc un besoin collectif de circulation de l'aide. Et nous avons examiné un certain nombre de façons d'y parvenir avec le gouvernement, avec l'ONU.

Mais en ce qui concerne le Tigré lui-même, les restrictions sont largement imposées par le gouvernement et il y a des couches de restrictions. Nous avons ce – j'ai le sentiment que le gouvernement entend sérieusement commencer à supprimer certaines des restrictions qui ont été mises en place depuis juin. Mais je ne suis même pas sûr que le gouvernement reconnaisse combien de couches de restrictions ont été imposées depuis juin et à quel point il sera difficile de revenir totalement en arrière.

L'autre chose est le siège commercial du Tigré, où les services bancaires, les services publics, l'électricité, les télécommunications, etc. sont également coupés depuis la fin juin, et les approvisionnements en carburant, etc. Et le simple dépôt de nourriture par des camions à Mekelle ne suffira pas à répondre aux besoins. Il faut de l'argent, des télécommunications, du carburant, etc. pour pouvoir le faire. Et c'est un combat, encore, même s'il y a une volonté déclarée du gouvernement de travailler avec nous pour permettre sa distribution.

Nous considérons cela comme essentiel. C'est essentiel non seulement de sauver la vie des gens là où se trouvent les besoins, mais c'est essentiel pour faire valoir aussi fermement que possible auprès des dirigeants tigréens qu'ils ne peuvent pas entrer à Addis sous prétexte d'essayer de briser le siège humanitaire, qu'il existe d'autres moyens de parvenir à ces objectifs sans faire basculer Addis dans le chaos ou provoquer un bain de sang.

M. PRICE :Merci beaucoup, Monsieur l'envoyé spécial Feltman. Merci à tous d'être à l'écoute. Encore une fois, cet appel était officiel, attribuable à l'envoyé spécial. L'embargo est maintenant levé et nous espérons pouvoir parler avec beaucoup d'entre vous très bientôt. Merci beaucoup à tous.


Voir le contenu d'origine : https://www.state.gov/briefing-with-u-s-special-envoy-for-the-horn-of-africa-ambassador-jeffrey-feltman-on-the-ongoing-situation-in-ethiopia/

Nous vous proposons cette traduction à titre gracieux. Seul le texte original en anglais fait foi.

 


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